• LETTRE CONGOLAISE

     

    (Note : j’ai déjà publié cette lettre il y a une dizaine d’années. Elle circulait dans le milieu des enseignants vers 1958 au Congo belge. Celle-ci date soi-disant du 13 juin 2007. L’autre était signée par P.L. lui-même. Les différences ajoutées sont en italiques non grasses)     

     

     

     

    Monsieur le Contentieux,

    Par la présente, je viens sauter humblement sur vos genoux avec la disgrâce qui me caractérise et de porter à votre bienveillance si admirable pour savoir ce qui suit : mon épouse Thérèse, comme moi de race Mushi, s’est vue depuis quelque temps fricoter mystérieusement par Pascal Nindahurwa, commis Cobelmine. Ce sinistre individu, qui lui impose le coït quasi conjugal, possède en outre la turpitude d’être un Murega, c'est-à-dire fils de chien. 

     

    Hier soir, après un travail quotidien laborieux comme un greffier du tribunal secondaire de Ngweshe, m’étant réuni avec quelques soi-disant compagnons, pour boire cinq ou maximum 10 bouteilles de la bière, mes camarades me firent grossièrement quelques illusions délicates se rapportant à la conduite extra-conjugale de ma susdite épouse. Comme je rentrais subrepticement dans ma demeure pour y joindre la dite épouse, celle-ci ne m’accorde même pas le regard plus ou moins bienveillant. Dans la nuit, étendu à ses côtés et presque à la lueur des ténèbres, comme je fis une certaine tentative de rapprochement qui n’avait aucun caractère ambigu, Thérèse, dans un sursaut de la mauvaise humeur aussi incompréhensible qu’inexplicable, tourne brutalement le dos à mon ventre et m’abandonne prosterné dans une perplexité autant abusive. 

     

    Avec ce manque d’à propos qui est la caractéristique des femmes en général et de la mienne en particulier, elle commença à me parler de la situation politique de notre futur Etat indépendant du Congo Belge et de la fin de l’exploitation colonialiste promis par le CEREA de Weregemere. Je ne suis sans doute nullement adversaire de l’indépendance quand le moment approche dangereusement pour la relation sexuelle. C’est alors que je lui posai dans un brûlement-pour point la question concernant le Pascal. Elle nia d’abord, mais sous ma pression plus que virile, elle tomba ridiculement dans l’aveu le plus éphémère, dont il résulte que ce Murega, fils de chien, s’est introduit subrepticement dans sa chair virginale par le moyen de l’escalade et de l’effraction, fait prévu et sanctionné par le Code Pénal du Congo Belge. Il s’était jeté sur elle avec la fureur morbide et peut-être, je dirais même, lubrique, du taureau sauvage qui enfile la modeste colombe. 

     

    N’est-ce pas le fait dégradant par excellence qui est la négation proprement dite de toute civilisation chrétienne ?
    Que diriez-vous, Monsieur le Contentieux, si un homme se ruait sur votre tendre épouse, si fidèle et si obéissante, comme un taureau lubrique égaré par le rut. Et si cet homme n’est même pas de votre race, si c’est un sale Flamand, vous en seriez au paroxysme de la colère la plus infecte et la plus abominable équivalente à celle de Moïse, ou d’un quelconque prophète descendant du Mont Sinaï en cassant les tables de la loi sur la gueule du veau d’or.
     

     

    C’est pourquoi, le lendemain, j’ai plus ou moins cassé la gueule de Pascal qui déposa plainte pour coups et blessures auprès de l’Administration, qui sans même procéder à l’enquête éliminaire, me projeta dans la prison où je croupis misérablement sur la paille humide, comme notre grand Ministre et Sauveur National Patrice LUMUMBA. 

     

    Considérant que ce châtiment est injuste, parce que je suis cocu, le malheur n’est-il pas déjà assez grand pour qu’on me jette encore en prison, sans compter que le Pascal profitera encore largement de l’occasion pour troubler définitivement ma femme, jadis fidèle et maintenant adultère. 

     

    C’est pourquoi j’exige ma libération immédiate en me prosternant rigoureusement et respectueusement devant vos pieds.

     

    Avec mes salutations colombophiles, 

     

    signé : votre dévoué Victor KIMBILI. 

     

     

     


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